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24 juillet 2020


Il y a quelques semaines, je parlais de Candide, je citais des passages de ce livre qui me semblaient en phase, en résonance avec notre époque.
 
Mais lorsque que deux amis écrivains, Sami Tchak et Annie Ferret, viennent me voir à Ferney-Voltaire, et que nous visitons le château de Voltaire, Sami me rappelle (dans ce cadre somptueux, merveilleusement préservé et reconstitué, de sorte que l'on pourrait s'imaginer que rien n'a changé depuis cette époque) que Voltaire lui-même avait profité de l'esclavage, et qu'il considérait les Noirs comme des êtres inférieurs. Il critique l'esclavage dans ses écrits, mais n'a lui-même rien fait pour l'abolir, bien au contraire. Ce que je savais, en l'oubliant complaisamment.

 Je vis à Ferney-Voltaire, dans l'ombre d'un grand écrivain. J'ai tendance à ne pas remettre en question les auteurs consacrés. Bien sûr, je sais combien Céline, l'homme, est haïssable. Mais si grande est mon admiration de son écriture que je parviens à faire abstraction de sa haine. L'aurais-je fait s'il était vivant aujourd'hui et vomissait ainsi son fiel ?

Mais est-il besoin d'excuser qui que ce soit? On peut admirer un texte, voire une œuvre, et reconnaître que l'auteur est méprisable. On peut se dire que les textes vivent autrement, qu'ils sont peut-être issus d'un inconscient et d'une dimension plus grands que l'homme, qu'ils le dépassent, et que de ce fait, les chefs-d’œuvres peuvent continuer à être admirés, n'ont pas besoin d'être frappés d'un interdit, alors que les êtres qui les ont créés, eux, peuvent être remis en question, jugés dans leur humaine dimension.

Car je ne peux imaginer interdire des œuvres qui comptent, qui importent, parce que leurs auteurs sont faillibles et parfois innommables. (Tous sont faillibles).

Bon, Céline, Voltaire, on ne cessera pas pour autant de les lire. Mais que dire des artistes modernes aux pieds d'airain? Comment traiter leurs œuvres? Ne risquent-ils pas, ne sont-ils pas déjà, frappés d'interdiction?

Ma réponse à cela c'est que personne ne peut dire aujourd'hui "je ne le savais pas". L'holocauste, l'esclavage, l'anti-sémitisme, le racisme, l'intégrisme, la haine identitaire, religieuse et autre, tout cela est su, compris, analysé, et personne ne peut citer l'excuse de l'ignorance (si cela a jamais été possible, mais les conditionnements sont réels, y compris aujourd'hui).

 
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