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25 avril 2020
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Ce passage est extrait d'un texte que j'ai écrit pour le Musée des Confluences de Lyon. Il s'agissait d'écrire sur un objet du musée. C'était avant que la pandémie s'annonce...
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Chaque personne est devenue le centre du monde. Une conviction renforcée par les outils de communication modernes, ces miroirs narcissiques du Soi, qui font de chacun le héros de sa propre narration, et dont la fonction, proche du pain et des jeux de la Rome antique, serait de générer des besoins artificiels et éphémères pour faire oublier la réalité. La vie comme spectacle, comme téléréalité, comme théâtre d’ombres de Platon.

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Comment sommes-nous devenus les plus grands prédateurs, non de ceux qui font partie de la chaîne alimentaire, essentielle à l’équilibre et à la survie des espèces, mais de ceux qui s’acharnent à détruire de manière presque irréversible cet équilibre sur lequel repose toute vie ? Quelle est la partie de notre cerveau, pourtant si développé, qui nous a dicté de tels comportements ? A quel moment une autre partie de ce même cerveau s’est-elle atrophiée au point où il nous est devenu impossible de percevoir la chute libre dans laquelle nous nous sommes engagés, et la souffrance qui en a résulté et en résultera encore ? Quelle est l’origine de cet engourdissement livide, ce repli frileux, cette boursouflure matérielle et cet abandon de la compassion qui aujourd’hui constituent la prison où nous nous sommes volontairement claustrés ?

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Un égocentrisme tel que nous ne parvenons toujours pas, pour la grande majorité d’entre nous, à remettre nos comportements en question. Et pourtant, ces comportements conduisent le monde à une destruction annoncée dans toutes les religions. Saint Jean l’a exprimée dans une langue des plus pures :

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il y eut de la grêle et du feu mêlés de sang, qui furent jetés sur la terre; et le tiers de la terre fut brûlé, et le tiers des arbres fut brûlé, et toute herbe verte fut brûlée.

En ces jours-là, les hommes chercheront la mort, et ils ne la trouveront pas; ils désireront mourir, et la mort fuira loin d'eux.

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Selon le Srimad Bhagavatam, texte sanskrit dont l’origine orale est retracée à 3000 ans avant notre ère, la Kali Yuga, l’ère dans laquelle nous nous trouvons en ce moment, est celle de la destruction du monde avant sa régénération par Vishnou. Voici ce que le texte dit au sujet de cette ère :

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Dans l’ère de Kali, seule la richesse sera vue comme le signe d’une naissance propice, d’un comportement correct et de qualités admirables. Le droit et la justice ne seront appliqués qu’en fonction de la puissance de chacun.

Celui qui saura habilement jongler avec les mots sera considéré un savant.

L’hypocrisie sera une vertu. La beauté dépendra de la coiffure. Se remplir le ventre sera l’objectif de la plupart, et on confondra audace et vérité.

Et tandis qu’une population corrompue envahira la terre, celui qui se révélera le plus fort, de quelque classe sociale qu’il soit, acquerra le pouvoir politique.

En proie à la famine et à des impôts excessifs, le peuple sera réduit à se nourrir de feuilles, de racines, de chair, de miel sauvage, de fruits, de fleurs et de graines. La sécheresse ruinera des populations entières.

Elles souffriront du froid, du vent, de la chaleur, de la pluie et de la neige. Et elles seront tourmentées par des guerres, par la faim, par la soif, par la maladie et par une terrible anxiété.

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On ne saurait prétendre que l’on n’a pas été prévenu !

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Tout cela appartient bien sûr au domaine du mythe. Mais les mythes ne sont-ils pas des révélateurs, à la fois du passé et de l’avenir ?

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Ici, en ce lieu où le miracle de l’existence est déployé dans toute sa splendeur, je suis sidérée par un constat terrible : celui de l’échec de l’homme. Ce ne peut être que le résultat d’une suffisance, d’une vanité et d’une conviction de notre suprématie proportionnelles à l’aveuglement qui les accompagne. Ce sont là les caractéristiques de la race qui nous gouverne, cette race des puissants qui, où qu’ils se trouvent, continueront de décider pour nous, et de décider en faveur du profit plutôt que du futur. Ce sont les caractéristiques des despotes absolus que sont les marchés financiers et ceux qui les contrôlent.

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Voilà ce que me dit la nuit du musée – celle des origines et celle de la fin annoncée.

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