Journal de confinement
3/4/2020
Mais à quel jeu jouent les dieux ? Nos dieux à nous, je veux dire, ceux que nous avons créés de toutes pièces. Ah, on ne le sait que trop bien : ils ont bousculé, déchiré, écartelé, châtré la planète, et maintenant, ayant bouffé autant qu’ils le pouvaient, ils regardent se déliter le monde. Quand je dis eux, c’est bien sûr une infime partie de l’humanité. C’est bien sûr ceux qui ont les cartes en mains et qui jonglent les dés entre leurs doigts.
Nos dieux à nous, les dieux que nous avons créés, dieux de la haute finance, dieux des marchés boursiers, dieux des multinationales, dieux des usines d’armes, dieux des exploitants miniers, dieux du pétrole, dieux des produits pharmaceutiques, dieux de l’industrie alimentaire, dieux des pseudo-démocraties, dieux des autocraties, tous ces dieux qui nous minent et nous ruinent tout en nous assujettissant avec ces drogues modernes que sont les téléphones, une addiction dont plus personne ne peut se passer au risque d’être confronté à soi-même et à une sorte de vide sidéral.
Pendant ce temps, une partie de la planète contemple les ruines de la guerre et de la famine, et tente de prendre la route de ses rêves. Ces populations déplacées, dispersées, jetées hors de chez elles, elles arriveront sur des rives où s’élèvent les barbelés érigés par ces mêmes dieux trop heureux du potentiel de conflit. Et les dés sont jetés.
Sauf que, sauf que… Peut-être l’homme est-il moins disposé à s’agenouiller, désormais, devant eux ?
Une étincelle, un frémissement, un rayon se manifestent : le téléphone ne sert plus à hypnotiser mais à connecter réellement. Enfermés chez soi, chacun pense à l’autre. Aux autres. Les mains se tendent, les rires se partagent, une résistance s’organise.
Résistance… Le mot est magnifique.