31 mai 2020
« Il faut bien, disait-il, que les hommes aient un peu corrompu la nature, car ils ne sont point nés loups, et ils sont devenus loups. Dieu ne leur a donné ni canon de vingt-quatre, ni baïonnettes ; et ils se sont fait des baïonnettes et des canons pour se détruire. Je pourrais mettre en ligne de compte les banqueroutes, et la justice qui s’empare des biens des banqueroutiers pour en frustrer les créanciers.
– Tout cela était indispensable, répliquait le docteur borgne, et les malheurs particuliers font le bien général, de sorte que plus il y a de malheurs particuliers, plus tout est bien ».
Qu’est-ce que ce monde-ci ? disait Candide.
– Quelque chose de bien fou et de bien abominable, répondait Martin.
Voltaire, Candide
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Relire Candide en cette période, c’est savourer la cinglante ironie de Voltaire et admirer de nouveau la puissance de ce texte qui sur un ton allègre nous plonge dans les pires exactions de l’homme contre l’homme et fustige cette nature de loup qui expose Candide aux tragédies successives de ce meilleur des mondes possibles. Ni religion ni naissance ne sauvent les hommes de leur nature. Au contraire, c’est l’anabaptiste Jacques qui fera preuve de compassion et de clarté d’esprit, et quelques rencontres inopinées qui offriront à Candide quelque espoir que le monde pourrait être autre que bien fou et bien abominable.
L’optimisme est aujourd’hui encore bien discutable. Mais l’invitation à cultiver son jardin n’est-elle pas une forme, sinon d’optimisme, tout au moins d’espoir qu’un changement soit possible ?
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