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Azadi

 

Dans son œil l’horizon se brise en cristaux de sel.

Né dans les commissures des montagnes, il a la couleur de ses blessures.

Il caresse les miroirs d’ombre des rochers et rêve de sables perdus. Il touche aux sables ondoyant d’oubli et songe à la mer. Il enfourche les vagues qui seules donnent voix au rire et se voit chevauchant des gratte-ciels.

Toujours, l’illusion de la beauté sera plus vraie que la beauté elle-même.

L’horizon n’a-t-il pas pour belle ouvrage les rêves ?

Il n’est encore qu’une toute petite brise, à peine un souffle, un bruissement de pailles, qu’il se voit déjà tempête.

Le chergui au chant tiède lui raconte les noms de ses frères et sœurs, nomades sillonnant le monde et porteurs d’histoires :

khamsin, simoon, chammal, shehili et mille autre noms connus d’eux seuls, parce que chaque vent a sa nature, chaque vent a ses secrets, son tempérament et ses caprices.

Tu partiras quand la lumière des saisons sera propice, lui dit le chergui. C’est ainsi que tu sauras ton nom.

 

La petite fille aux yeux pers écoute sans le savoir la voix du chergui. Elle pénètre sa chair et l’enjoint de s’envoler.

Elle aussi est née entre les jambes des montagnes, dans l’enflure des orages. Elle aussi ne se voit que dans le miroir d’ombres des rochers.

Les lianes des abysses enserrent ses chevilles. Ses cheveux sont tressés de soleil. Elle rêve de traverser les sables, de chevaucher les vagues, d’escalader les gratte-ciels. Le monde n’est-il pas à la portée de ses yeux ?

Khamsin, simoon, chammal, shehili. Guides ou ailes porteuses, les vents ne l’attendent pas.

Seul, le petit souffle l’entend.

 

Vous vous mettrez en route, enfants des montagnes, habillés de sable, transis d’océans, scintillant des ailleurs nés de votre regard.

Toi, le petit souffle de vent, tu apprivoises le monde.

Toi, la petite fille des lierres, le sable t’offre sa soif, l’océan sa noyade, les gratte-ciels leur cercueil.

 

Les pieds de la petite fille s’enlisent dans le sable. Dans l’océan, sa peau se recouvre d’un voile de sel. Lorsque sa barque parvient aux côtes illuminées, des pieds bottés l’attendent.

Son voyage se termine dans la nuit du refus. Nul interstice ne laisse passer l’air ni la lumière.

Poursuivons notre voyage, lui dit le petit souffle.

Je ne peux pas, lui répond-elle. L’horizon m’est interdit.

Je me nomme Azadi, dit le vent : liberté.

Ce mot, répond l’enfant, est un mensonge.

Mais le vent ne l’écoute plus.

 

 

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